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L'évolution des interfaces à l'ère de l'IA

Par Mehdi Vilquin8 min de lecture

Bienvenue dans l'ère des interfaces évolutives et du sur-mesure.

Après des décennies d'optimisation des interfaces pour les rendre plus intuitives, un paradoxe s'impose : nous faisons face à un retour inattendu des interfaces textuelles, évoquant les débuts de l'informatique. L'Intelligence Artificielle était censée fluidifier notre quotidien, simplifier nos interactions, et pourtant, nous voilà contraints de rédiger des instructions détaillées, précises et souvent contraignantes. Plus l'IA devient puissante, plus elle nous oblige à repenser nos propres processus cognitifs.

Mais ne nous y trompons pas : ce n'est pas une régression. Nous sommes à un moment charnière où les premiers signes d'un changement profond émergent. Derrière ce rétropédalage se cache une révolution silencieuse : l'IA nous pousse à penser différemment, à définir plus clairement nos intentions et nos besoins. Ce faisant, elle révèle nos propres limites dans la formalisation du langage et des concepts.

Johanna Drucker, dans son ouvrage Visualisation : L'interprétation modélisante, souligne que les interfaces ne sont pas de simples reflets objectifs de données, mais des constructions influencées par nos contextes socio-culturels.

Le véritable décalage ne vient pas de la technologie elle-même, mais de nos standards actuels. Notre langage écrit comme visuel, en l'état, semble imparfait pour exprimer des idées complexes. Face à une IA, nous nous heurtons à un mur invisible de variables, d'interprétations et de possibilités qui échappent à notre contrôle sémantique.

L'enjeu est donc clair : inventer une nouvelle grammaire d'interaction, dépasser les contraintes du langage et exploiter pleinement cette double intelligence – humaine et artificielle. Sommes-nous prêts, dès maintenant, à abandonner nos anciens réflexes pour réinventer en profondeur notre façon d'interagir avec l'IA ?

Une rupture historique dans l'histoire des interfaces : du « Don't make me think » à « What do you think » ?

L'évolution des interfaces homme-machine a toujours suivi une même tendance : simplifier pour rendre plus fluide et plus accessible.

Historiquement, nous sommes passé du code brut des terminals des années 60-70, aux interfaces interfaces graphiques des années 80-90 qui ont démocratisé l'usage de l'ordinateur. Et enfin, l'ère du smartphone et du design intuitif des année 2000 jusqu'à aujourd'hui a amplifié ce leitmotiv du « Don't make me think ». Ce qu'on cherchait avant tout, c'était un rapport d'évidence entre la donné, l'information et les actions à réaliser.

Le prompt est un retour paradoxal aux interfaces des années 60-70, celle d'interface brut ou sommes obligés de rédiger des instructions programmatiques pour interagir avec l'IA.

Soixante-ans de recherche ergonomique pour se retrouver avec une logique de commande textuelle. Pourquoi ce retour en arrière ?

Parce que les prompt permettent une réponse adaptative et une personnalisation fine, progressive et flexible, ce qui est difficile avec une interface graphique standardisée. De plus, le prompt textuels éliminent le besoin de mémoriser des commandes complexes ou de naviguer dans des structures de menus. Simplement, les interfaces textuelles rende plus accessible la compréhension du potentiel d'interaction entre l'intelligence humain et l'IA.

Nous ne sommes pas face à une régression mais une adaptation aux besoins entre la contrainte de compréhension des commandes et le potentiel technologiques.

Une Impasse technologique qui nous limite : Vers une nouvelle grammaire Homme-IA

Les prompts ne sont qu'une rustine sur un modèle d'interaction incomplet, des béquilles technologiques qui pallient l'absence d'une vraie interface IA. Si nous voulons que l'intelligence artificielle réalise son plein potentiel, il faut réinventer nos interactions avec elle.

Ce que l'on constate, c'est qu'il manque une couche intermédiaire entre nous et l'IA :

Vers des IA adaptatives

Imaginons une IA qui comprend le contexte, qui affine ses réponses en temps réel et qui ne se contente pas d'attendre une requête parfaite, mais transforme l'interface progressivement pour cadrer l'usage autour d'activités pré-définies : l'écriture, la mise en page, l'accès à la recherche d'information. Une IA efficace doit évoluer dans le temps, apprendre de nos habitudes et structurer ses suggestions en fonction de nos comportements récurrents, plutôt que de repartir à zéro à chaque requête.

Vers une nouvelle grammaire visuelle

Pourquoi ne pas créer une interface graphique qui normalise l'écriture de requêtes, au lieu de devoir tout taper à chaque fois? Sachant que certaines requêtes ont de meilleurs résultats que d'autres dans certains domaines, une approche hybride texte/graphique permettrait à l'utilisateur de mieux formuler ses attentes.

Vers une IA synchrone et itérative

Une véritable intelligence conversationnelle devrait fonctionner comme un brainstorming interactif, pas comme un moteur de recherche figé et linéaire. L'IA devrait être capable de proposer des formats, d'ajuster ses suggestions en temps réel et de modifier son propre comportement d'interaction avec une logique de « forking ». Elle pourrait reformuler les questions mal posées, proposer des compléments pertinents et aider l'utilisateur à mieux structurer sa pensée selon différents chemins préétablis.

Vers plus de transparence et de contrôle

L'un des grands défis des modèles actuels est leur opacité. Une IA efficace ne doit pas être une boîte noire, mais un assistant dont les critères de décision sont visibles et modifiables par l'utilisateur. Intégrer une couche de métaconnaissance permettrait de voir et d'ajuster les paramètres d'interprétation de l'IA, rendant son fonctionnement plus compréhensible et moins aléatoire, mais aussi d'amener des préférences dès le départ.

Le rôle des contraintes dans l'UX

Une interaction efficace ne signifie pas une liberté totale. Trop de possibilités tue l'expérience utilisateur. Une IA bien conçue ne devrait pas simplement répondre aux questions posées, mais guider intelligemment l'utilisateur en lui suggérant des structures, des outils et des limites adaptées au contexte.

Le prompt est une impasse. Dans l'état actuel, l'utilisateur est comme un pianiste qui jouerait à l'aveugle, sans savoir quelles notes correspondent à quels sons. Ce n'est pas un avenir viable, c'est une parenthèse technologique. L'intelligence artificielle ne doit pas nous demander de penser comme des machines. Elle doit apprendre à penser avec nous. Nos interfaces ne doivent pas se contenter de répondre à nos questions, mais de formuler le processus, les outils et les contraintes pour y répondre.

Conclusion : Dynamic UX et UI évolutive : le futur de l'interaction

Nous sommes coincés entre deux modèles imparfaits :

  • Des interfaces figées et trop standardisées, qui ne permettent pas d'exploiter pleinement la puissance de l'IA.
  • Des interfaces trop brutes, comme les prompts, qui exigent de nous un niveau de précision que nous n'avons pas toujours.

La bonne nouvelle, c'est que l'IA apporte avec elle les outils pour se transformer de l'intérieur. Les designers, ayant maintenant accès à de nouveaux outils plus souples pour concevoir et coder ces interfaces directement, vont aussi avoir plus de libertés pour influer sur les parcours utilisateurs.

Pour moi, c'est aussi la montée en puissance d'un nouveau type de profil dans le design, les Design Engineer et Creative Technologist. A la lisière de la conception produit et d'enjeux plus structurelles mêlant design, produit et sujets tech.

Pour moi, la méthodologie de conception des interfaces doit être remise en question afin de rendre cet aspect flexible, rendu possible par l'IA, plus dynamique et central.

L'IA du futur ne sera pas une boîte noire où l'on tape des instructions au hasard. Elle sera une extension intelligente de notre pensée, un outil qui nous aide à mieux penser, mieux formuler, mieux créer.

  • L'IA reflète nos intentions… mais aussi nos propres limites cognitives.
  • Elle amplifie les forces et les faiblesses du langage humain.
  • L'enjeu est d'inventer une interface qui ne soit ni un retour en arrière, ni un mur opaque, mais un dialogue évolutif entre l'intelligence humaine et artificielle.

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