Face à la Hype : "Nous n'avons pas compris Miyazaki"
Introduction : La valeur dans un monde d'IA
Dans un monde saturé de contenus générés à la chaîne, où toute action répétitive devient suspecte car transposable en "Agent Intelligent", une question s'impose : Qu'est-ce qui a encore de la valeur dans notre société ?
Car derrière l'illusion et les grands discours dystopiques d'un monde sans travail se cache un paradoxe : plus l'IA automatise et standardise, plus l'authenticité et l'originalité deviennent précieuses. Ce qui, hier, relevait du génie — une œuvre originale, un service d'exception — se transforme progressivement en banalité dans un monde post-IA.
L'avenir du travail n'appartient donc pas seulement à l'autonomisation des IA, ni à l'automatisation en chaîne de nos métiers, mais à la nécessité de nous réadapter à ce nouvel environnement en proposant de nouveaux standards de création.
I. L'IA et le piège de la standardisation
Depuis quelques mois, une explosion d'outils assistés par IA redessine les contours de nombreux métiers. Prenons l'exemple du développement d'application : la capacité à produire un produit s'est considérablement simplifiée, entraînant une restructuration des rôles et des compétences.
Ce qui, auparavant, nécessitait un designer et un développeur pour concevoir un produit, peut aujourd'hui être amorcé par une seule personne maîtrisant ces nouveaux outils.
En réalité, l'IA démocratise l'accès à des savoir-faire autrefois cloisonnés. Car oui, traditionnellement, le designer faisait du design, le développeur du code. Aujourd'hui, les rôles s'hybrident, rendant ces compétences accessibles à toute personne désireuse de créer son application en un instant.
Quel impact doit-on anticiper sur les métiers du design et du développement ?
Personnellement, je ne me sens pas vraiment en danger. Au contraire, j'ai l'impression qu'on me donne encore plus facilement accès à des outils ou des compétences autrefois exclusivement techniques. Pour les entreprises, c'est un gain d'efficacité, notamment au moment du lancement d'un produit. Et pour les grandes structures, c'est la possibilité d'éditer leurs propres outils avec une IA toujours plus contextuelle.
Les designers vont pouvoir se recentrer sur les parcours utilisateurs, l'A/B testing, l'aspect stratégique, le ROI et l'impact de leurs décisions. Tandis que les développeurs pourront se focaliser sur l'essentiel : scaler et gérer une infrastructure de plus en plus complexe.
II. L'illusion de la créativité à grande vitesse : vers une esthétique uniforme ?
Avec l'IA, on assiste à une explosion de contenus ultra-rapides : des templates générés en un clic, des logos créés en quelques secondes, des interfaces copiées-collées à partir de patterns préconçus…
En parcourant les réseaux sociaux, cette démocratisation des moyens de production me laisse souvent un sentiment étrange. Ces vidéos au titre accrocheur — "J'ai conçu mon SaaS en 30 mn" — me laissent dubitatif.
Au-delà des influenceurs qui surfent sur la hype pour bullshiter leur succès (et qui, en réalité, vivent surtout des vues de leurs vidéos), je suis souvent déçu par les choix de design : généralement standards, pour ne pas dire basiques, ou simplement sans finesse.
Cette uniformisation n'est pas anodine. Elle découle du fonctionnement même de l'IA : entraînée sur d'immenses bases de données, elle identifie les tendances dominantes… et les reproduit. Mais ce faisant, elle lisse les aspérités, supprime les singularités, et crée un environnement visuel homogène.
III. La technologie est un accélérateur, pas un créateur
Dans l'histoire des arts et de l'industrie, chaque révolution technologique a transformé la création et les modes de production :
- L'imprimerie a démocratisé l'écrit, mais n'a pas tué les écrivains.
- La photographie a défié la peinture, mais l'a aussi libérée du besoin de reproduire le réel.
- Le numérique a fourni des outils puissants pour élargir notre champ d'action.
- L'IA automatise certaines tâches, mais nous libère pour imaginer ce qu'elle ne pourra jamais créer seule.
L'important n'est donc pas de résister aveuglément aux technologies, mais d'apprendre à les utiliser avec discernement. Ce qui fait la différence, ce n'est pas la capacité à générer, mais l'intention derrière la création. L'IA peut multiplier les contenus, mais elle ne pourra jamais remplacer le regard critique, la sensibilité ou l'expérience que seul un créateur humain peut insuffler à son œuvre.
IV. L'intention du créateur : un facteur différenciant
Je suis un grand fan des studios Ghibli, fondés par Hayao Miyazaki et Isao Takahata. Son dernier film, Le Garçon et le Héron, m'a fasciné, voire bouleversé, notamment par sa structure narrative.
Miyazaki joue avec les codes de l'imaginaire, de la production et de la composition pour confronter le réel et le fictionnel. Comment a-t-il réussi une telle proposition artistique ? Pourquoi tout semble à la fois nouveau et typiquement Ghibli ?
La réponse tient dans l'intention et la maîtrise. Miyazaki ne suit pas un processus standardisé. Il crée selon ses émotions et son instinct. Cette approche artisanale, lente, contemplative, s'oppose frontalement à la production industrialisée encouragée par l'IA.
"Je trouve cela une insulte à la vie elle-même." - Hayao Miyazaki
Les piliers de l'intention créatrice selon Ghibli
- Le refus de la facilité
- L'humanisme profond
- La critique du progrès aveugle
- La lenteur volontaire du geste
Alors disons-le : créer une "image Ghibli" par IA, c'est comme coller la peau d'un cerf sur un robot-chien et dire : "Regarde, c'est la nature."
Conclusion : Vers une revalorisation du savoir-faire
Face à ces bouleversements, une question se pose : où voulons-nous prendre du plaisir à travailler ?
Cette réflexion est une invitation à nuancer un paradoxe que nous vivons : le paradoxe de l'abondance. Quand un bien devient abondant et facile à produire, il perd de sa valeur. Ce qui a de la valeur demain ne sera pas ce qui est généré à l'infini, mais ce qui est limité, humain et incarné.
L'avenir ne se joue pas dans un combat entre l'humain et la machine, mais dans une hybridation intelligente où nous redéfinissons ce qui a vraiment du sens. L'IA peut être un formidable assistant, à condition de préserver ce qui nous rend uniques : la création, l'émotion et l'intention.
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